Depuis quelques semaines, un nouveau service suscite la fascination et les interrogations dans l’univers du football français : Ligue 1+. Lancée comme la plateforme digitale officielle de la Ligue de football professionnel (LFP), elle a déjà franchi le cap symbolique du million d’abonnés. Mais ce succès d’audience dissimule des incertitudes économiques et structurelles auxquelles les clubs devront faire face.
Une croissance rapide mais fragile
Avec un tarif de lancement attractif à 9,99 €/mois, Ligue 1+ a su séduire les fans de foot. En moins d’un mois, la plateforme a dépassé le million d’abonnés, une performance impressionnante qui surpasse les 650 000 abonnés du précédent diffuseur DAZN.
Pour assurer une visibilité maximale, la LFP a signé des partenariats avec les FAI, les constructeurs de télévisions connectées, ainsi qu’avec des plateformes comme Prime Video. Une campagne marketing intense a également été menée en collaboration avec le journal L’Équipe.
Pourtant, derrière ces chiffres flatteurs, plusieurs signaux d’alarme pointent. D’abord, 28 % des abonnés sont engagés sur des formules mensuelles, facilement résiliables. Cela fragilise les revenus récurrents.
Ensuite, les revenus estimés générés par cette plateforme sont encore modestes : environ 120 millions d’euros, bien loin des records des années 2016-2020 (jusqu’à 726 millions).
Des enjeux financiers majeurs pour les clubs
L’essentiel du modèle de Ligue 1+ se fonde sur une redistribution des revenus aux clubs. La LFP vise à verser 350 millions d’euros annuels à ses membres d’ici 2029, avec l’ambition d’atteindre 2,2 millions d’abonnés dans les prochaines années.
Mais pour y parvenir, un équilibre délicat doit être trouvé entre croissance de la base abonnés et stabilité financière.
Certaines clubs plus modestes déjà fragilisés financièrement pourraient pâtir d’un modèle qui favorise indirectement les clubs les plus attractifs. Le manque de diversité dans les audiences pourrait creuser les écarts entre grosses écuries et petites équipes.
Par ailleurs, les 78,5 millions d’euros annuels versés par BeIN Sports, ainsi qu’une compensation de 85 millions de la part de DAZN, viennent soutenir temporairement les revenus des clubs.
Mais cette “aide ponctuelle” ne peut suffire à compenser les déficits structurels : la pression est forte pour garantir que le modèle numérique devienne durable.
Risques et adaptations stratégiques
Un des dangers majeurs : la résiliation en masse des abonnés mensuels. Si une proportion importante d’utilisateurs active la résiliation, les recettes pourraient chuter brutalement. Il faudra accroître la fidélisation par des contenus exclusifs, des fonctionnalités interactives, des offres combinées et des réductions à long terme.
Un autre défi : la répartition équitable des revenus. Les clubs devront négocier des mécanismes de péréquation afin que les droits d’image ne profitent pas uniquement aux grandes marques nationales.
Enfin, le contexte concurrentiel est rude : les plateformes tierces, les chaines sportives traditionnelles ou les services de streaming étrangers pourraient représenter une alternative pour certains fans… Il faudra que Ligue 1+ justifie sa valeur ajoutée.
Impact potentiel sur le football français
Si le système réussit, il pourrait rapprocher les supporters des clubs, offrir une meilleure visibilité des matchs secondaires, et redynamiser le marché numérique national. Il pourrait aussi servir de modèle pour d’autres compétitions sportives françaises, voire européennes.
Mais si le modèle échoue, cela pourrait fragiliser financièrement les clubs, engager des recours juridiques ou des partenariats alternatifs, et raviver les débats sur la gouvernance du foot français.
⚽ Lancement réussi, mais défi de taille à relever : Ligue 1+ séduit pour l’instant mais les mois à venir seront déterminants pour savoir si cette ambition digitale peut vraiment transformer l’écosystème du football français.